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JULIA & LOUISE

23 octobre 2019 – Paris 20

LOUISE – 29 ans

« La rue c’est l’endroit où je me déplace, en général je ne fais qu’y passer. Ça m’arrive de croiser des gens que je connais dans mon quartier, ou dans les environs de mon travail et de discuter. Et aussi l’été, le soir, quand il fait encore bon, on reste souvent à discuter avec les copains entre deux bars.

On m’a déjà fait chier plein de fois. Jamais rien de grave, ou de choses qui m’ont spécialement traumatisé, mais je ne peux pas dire qu’il ne me soit jamais rien arrivé. Forcément ça change ton rapport à la rue, tu fais plus attention, tu es plus sur tes gardes, tu vas éviter certains endroits si tu sais qu’il y a des bandes qui trainent, ou des gens qui sont un peu louches. Tu vas essayer de te rapprocher des rues où y a plus de monde sur ton trajet. Quand il t’arrive quelque chose,  tu y réfléchis après, tu te demandes «Est-ce que j’aurais pu mieux réagir, est-ce que j’aurais pu changer la donne sur une expérience qui ne m’a pas plu ? ». J’ai aussi beaucoup de bons souvenirs, et plus que de mauvais d’ailleurs, heureusement ! Les soirées avec les copains, les rencontres, et tu peux découvrir plein de choses dans la rue qui sont super chouettes.

J’ai toujours habité à Paris, donc la rue a toujours fait partie de mon quotidien. Mes parents ont été assez protecteurs en nous disant, à ma sœur et moi, faites attention, évitez de rentrer toute seule le soir tard par des endroits qui craignent. Mais d’un autre côté, ils ne nous disaient pas non plus de ne pas le faire. Dans mon éducation, c’était plus qu’il faut prendre les précautions nécessaires, en revanche, il ne faut pas non plus s’interdir de vivre et de faire les choses dont on a envie. 

Il y a plein d’espaces où il y a quand même beaucoup plus d’hommes que de femmes, et ce n’est jamais très agréable de passer devant, même si des fois on te fait zéro réflexion, tu te crispes, tu n’arrives pas à faire autrement. Quand j’étais petite, j’allais au skate park avec les copains du collège, et je ne me sentais pas discriminée parce que j’étais une fille. Il faudrait que d’un côté, les aménagements urbains soient plus mixtes, et en même temps, que les filles aient aussi une volonté d’investir la rue. Que nous aussi on puisse se dire « tiens, on va aller dans le parc s’assoir, fumer un joint, boire un thé, ou ce qu’on veut, on s’en fout ! »

Ma rue idéale… Plutôt un ensemble de rues idéales, où on ait envie de s’arrêter, de rester, que ça soit le jour, la nuit, le soir, n’importe quand. Qu’il y ait des groupes d’hommes, ou de femmes, ou des deux, on s’en fout, qu’on puisse passer devant sans avoir ce petit crispement dans les épaules, et qu’on ne puisse pas s’empêcher d’accélérer le pas. Et sinon, moi j’aime les terrasses de cafés et les magasins ! »

JULIA – 35 ans

« Je n’ai pas de problème particulier avec la rue. Ce n’est pas mon endroit préféré parce que je préfère les parcs et la nature. J’ai plutôt habité dans des quartiers sympa donc je n’ai pas un rapport de danger particulier avec la rue. Surtout à Paris, il y a beaucoup de monde, c’est rare que je me sois retrouvée toute seule, effrayée, dans une rue à Paris. Pour moi c’est plutôt un lieu de passage. Et éventuellement un lieu de squat quand il y a un bar, du coup ça le rend plus sympathique. Je crois que je préfère la rue la nuit, j’ai des bons souvenirs de sorties de bars, de virées, de balades urbaines.

Je me souviens d’une fois, comme quoi il y a toujours une fois, où j’ai eu chaud. Ce n’était pas du tout dans un quartier qui craint, c’était à Boulogne, un mec a commencé par m’aborder, et à partir du moment où j’ai dit non, il s’est violemment énervé. Là j’ai eu hyper peur. Je me suis déjà faite alpaguer plein de fois, comme toutes les nanas je pense, mais sans que ce soit violent. Ça peut être mignonnet, ou ça peut être sans intérêt, je n’en ai pas particulièrement envie, mais je ne le vis pas forcément comme une violation de ma sphère. C’est sûr que les mecs ne subissent jamais ça.

Quand tu grandis dans des quartiers comme les miens (nb : dans le 92), t’as peut-être moins peur de la rue. Je pense que ça dépend un peu de tes parents aussi. Mes parents ne sont pas des gens qui sont dans le rapport angoissant aux choses. Ma mère, c’est quand même une nana qui voyage toute seule, toujours, et qui m’a fait prendre l’avion toute seule.

A l’adolescence, mon corps s’est transformé hyper vite, je me faisais beaucoup draguer et je l’ai hyper mal vécu, trop de sexualité d’un coup. Du coup je me planquais dans mes fringues. Peut-être que c’est pour ça que je me fais moins emmerder, je pense que d’une certaine manière, je m’habille pour ne pas me faire emmerder. Je m’adapte beaucoup, je fais en sorte de pas trop attirer l’attention de manière général dans l’espace public.

Ma rue idéale… Moi je vois une petite rue avec plein d’arbres, des petits hérissons qui traversent, et des petits écureuils qui peuvent faire leur vie. Une rue avec un trottoir assez large pour accueillir tout le monde, et puis beaucoup de mobilité douce. Ça serait joli d’avoir des rues un peu plus colorées avec plus d’espaces pour les femmes. »

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