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LORINE & STÉPHANIE

14 Décembre 2019 – Nevers

LORINE – 17 ans

« Je ne suis pas souvent dans la rue. Je ne m’y sens ni bien ni mal, je n’y prête pas vraiment attention, c’est surtout pour me déplacer. Je quitte la maison, je vais au lycée en bus et je ne passe pas franchement par la rue. Avec mes ami·e·s, on reste au lycée, mais rarement dans la rue. Je n’y trouve pas trop d’intérêt, en tout cas à Nevers. Il n’y a pas de banc, pas d’endroits pour être tranquille. Et dans toute la ville, il n’y a que deux toilettes publics, et ils ne fonctionnent pas. Du coup on est obligé de rentrer dans les bars pour aller aux toilettes.

Je ne sors jamais, déjà parce qu’ici (Nb : Satinges, le petit village où elles vivent), il n’y a rien à faire. J’aimerais bien passer plus de temps avec mes ami·e·s en ville, mais pour aller à Nevers ça fait loin, il y a peu de moyen de transports, c’est dur de se déplacer jusque là-bas. Je le fais en été, je vais à pieds jusqu’à la gare, je prends le train, et je vais voir mes ami·e·s. On se balade, on va au parc, on va manger, et on fait les magasins. C’est bien parce que je suis avec mes ami·e·s, si j’étais seule, ça serait un peu différent.

Être seule, si c’est dans des grandes rues avec du monde, ça ne me dérange pas, mais si c’est dans une petite ruelle, surtout quand il commence à faire sombre, ça me dérange. Je pense que c’est à cause des personnes qu’on peut rencontrer, ma mère nous a toujours dit de faire attention, du coup on a peur alors qu’il n’y a pas de raison, mais c’est comme ça. Parce que je suis une fille, donc on m’a toujours dit de me méfier. Je pense que pour mon petit frère, quand il sera plus grand, ce sera différent, vu que c’est un garçon. Parce qu’on entend moins souvent que des femmes agressent les hommes dans la rue. Et par des hommes non plus, à part pour du racket. On entend surtout que les hommes agressent les femmes dans la rue.

Ma rue idéale… Je dirais une rue avec plus de verdure, avec de plus grands champs de visions, et plus éclairée le soir. »

STÉPHANIE – 42 ans

« Je suis rarement dans la rue. Je suis souvent véhiculée et même quand je marche en ville, je suis dans ma bulle, je ne regarde pas forcément autour. Sauf quand je me pose, et que je vais me promener, ce qui est rare. Mais je m’y sens bien, je marche naturellement dans la rue, je ne me sens pas en danger. Après, tu auras toujours en tant que femme, à des moments, des regards qui pourront se poser sur toi, mais je ne subis pas d’agression, ni physique, ni verbale. Parfois, des découvertes quand tu croises des gens, le sourire et la discussion.

J’ai grandi à Nevers, mon lycée était en centre-ville, donc je prenais le bus et après je marchais un peu. Avec mes ami·e·s, on trainait dans les rues de Nevers, comme n’importe quel gamin entre quinze et dix-huit ans. Dans certains magasins aussi, et t’avais des lieux de rencontre, des squares où on se retrouvait. C’était sympa, c’était une époque qui était en adéquation avec mon âge. En vieillissant, tu te retrouves plus chez les uns et les autres, autour d’un bon repas, d’un apéro. Quand tu as ta maison où tu te sens bien, tu es content de recevoir les gens, plutôt que de se retrouver au milieu de la rue, c’est une question de confort.

Je n’ai pas inculqué la peur à mes enfants, par contre, la méfiance. Le fait de toujours se méfier de ce qui peut arriver ou ne pas arriver. Mes deux filles, je les laisse libres, elles vont en ville, en tant que mère, la seule chose que je veux, c’est savoir où elles sont. N’importe où, dans la rue, mais savoir où je peux les retrouver. Je leur inculque l’esprit de liberté, je veux avant tout qu’elles soient libres de leurs pensées, de leurs mouvements. Après, à la tombée de la nuit, je ne suis même pas sûre que ce soit une question de sexe, de femme, se retrouver tout seul dans le noir dans la rue, ça peut être risqué aussi bien pour les femmes que les hommes, enfin pour moi. Mon fils a dix ans, donc pour l’instant il ne sort pas, mais je lui donnerai la même éducation.

Ma rue idéale… Je dirais une rue ancienne, pavées… Relativement étroite. Et l’idéal, une rue qui mène à la mer, directement, sans avoir un grand boulevard avec des voitures à traverser. »

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