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CAMILLE

30 ans – 20 Novembre 2019 – Thorigny-sur-marne

« Je me déplace beaucoup en voiture, donc je ne suis pas beaucoup dans la rue. Avant d’avoir des enfants, je me baladais, je m’en foutais un peu. Depuis, forcément j’ai plus peur, parce qu’il suffit que la grande parte en courant, on ne sait jamais ce qu’il peut se passer. Je suis moins sereine dans la rue depuis que je suis maman, ça c’est clair.

En banlieue, on a des rues et des endroits agréables pour se promener avec les enfants. À Paris, il y a trop de monde, les trottoirs ne sont souvent pas assez larges, et ils sont trop hauts, même au niveau des passages piéton. On s’adapte, les femmes s’adaptent en général parce qu’elles n’ont pas le choix, mais avant de sortir, je me demande si je prends plus ma poussette, mon porte bébé, est-ce que je vais avoir besoin d’aide, est-ce que je vais avoir des escaliers ? Toutes ces petites choses là mises bout à bout, on se dit « Bon, en fait je ne vais pas sortir. »

Je pense que mes parents avaient confiance, on rentrait chez nous, on ne fermait pas la porte à clés. Je suis la quatrième de cinq enfants, donc j’ai eu mes frères et sœurs qui ont fait l’expérience avant. Mes parents n’étaient pas du tout stressés ou angoissés qu’on soit dehors, par rapport à mes ami·e·s, j’ai été très libre d’aller et venir très rapidement.

Je pense que c’est aussi ce qui nous arrive qui fait qu’on devient plus méfiante. Une fois, j’étais avec des copines, on avait environ douze ans, trois mecs dans un camion se sont arrêtés à notre hauteur : « C’est où 3 rue de la pipe ? ». Nous on n’a pas compris. Parfois on a l’impression que les filles prennent un peu tout mal et qu’on est tout de suite sur la défensive, mais en même temps, quand tu subis ça régulièrement, c’est normal de ne plus avoir de patience ni d’indulgence. Même si c’est un truc gentil « oh t’as des très jolis yeux », je me vois dans le miroir, je le sais, laisse moi tranquille ! J’ai deux petites filles, et j’ai peur pour elles, ça m’inquiète, je me demande comment ce sera pour elles.

Ma grande fille a trois ans et demi, je l’ai allaité pendant dix mois. Je ne travaillais pas, et je l’emmenais partout avec moi. Allaiter en extérieur, c’est quitte ou double. Soit on se retrouve avec des gens qui sont très bienveillants autour de nous, et il n’y a pas de soucis. Soit on se retrouve avec des gens complètement intolérants, qui regardent de travers, qui regardent avec insistance, donc c’est assez gênant. Pour ma deuxième fille, je compte bien faire pareil. Je pense que c’est accepté mais il y a certaines personnes qui sont encore très réticentes par rapport à ça, et qui le resteront. On ne les fera pas changer d’avis, et je me dis tant pis. Moi j’ai la chance, personne ne m’a jamais fait de réflexion.

Comment je m’habille, c’est une question que je me posais avant d’avoir des enfants. Maintenant c’est le plus pratique, jean baskets. Quand j’étais plus à l’aise avec mon corps, je me suis surprise à me dire « je me prendrais peut-être des réflexions mais je m’en fous, je m’assume ». Quand je suis moins à l’aise avec mon corps, je me cache un peu plus et je n’ai pas envie de me prendre d’autant plus des réflexions, et de « me faire remarquer ». C’est fou de se dire « de me faire remarquer », on ne devrait même pas se dire ça, mais oui, c’est comme ça qu’on pense.

Ma rue idéale… Une rue piétonne, avec des commerces, des trottoirs pas trop hauts pour les poussettes, pas trop étroite, et sans publicité, qu’on ne se sente pas obligé d’être consommateur à tout prix. Quand j’étais petite, les commerçants nous connaissaient, et je trouve que c’est plus agréable, plutôt que d’être un anonyme parmi la foule. »

Merci à Hélène Murillo pour son aide sur cette séance photo !

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