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MARIANA

24 ans – 25 Novembre 2019 – Pantin

« La rue, c’est mon lieu de passage, rarement mon lieu de vie. C’est quand même ma première connexion au monde extérieur quand je sors de chez moi. Je suis née en Colombie, là-bas, les hommes trainent dans la rue, les femmes non. On se balade, mais pas toute seule, ou en étant très attentive. Et en même temps, quand j’étais petite, on barricadait la rue, et on faisait la fête avec tous les voisins. Et j’ai grandi en ville, donc c’était mon terrain de jeu.

Je suis arrivée en France en 2013, dans la rue Hoche du 16ème. Ce n’est pas du tout la même rue Hoche qu’à Pantin, où je suis maintenant ! Ce qui change beaucoup à Paris, c’est que parfois tu passes autant de temps dans la rue que chez toi. Ici j’ai moins peur de la rue, par rapport à la Colombie, mais en même temps parfois quand je vais marcher, je vais vraiment être sérieuse, mettre ma capuche, et marcher un peu différemment. En Colombie ça m’arrivait beaucoup. Il y a des moments où j’enlevais tout ce qui dans mon imaginaire pouvait être attractif, provocateur, ou féminin.

Ici, j’essaye d’être de plus en plus ouverte. Je me rends compte que je suis beaucoup dans le jugement des gens qui trainent dans ma rue, et je fais un effort pour changer mon rapport, et ne pas juger leur vie. Parce que je pense que ce sont des hommes qui ne méritent pas d’être jugés sans que je ne les connaisse. Je me demande pourquoi je ne suis pas aussi polie avec eux que je le serais avec un mec bien habillé qui regarde sa montre ou son portable par exemple. C’est un rapport personnel à cette rue auquel je tiens. Et puis j’adore ma rue parce que, quand je suis venue je me suis dis « ah ouais, c’est pas comme le 16ème, c’est plus comme chez moi ! ».

J’ai déjà eu des mecs qui ne voulaient pas me lâcher, qui m’ont accompagné jusqu’à chez moi et je n’avais pas vraiment envie qu’ils viennent. Le fait qu’ils insistent c’est assez chiant, ça m’est arrivé deux ou trois fois, et je ne leur ai pas dis non parce que j’essaye d’être gentille, j’ai du mal à dire « non casse toi », ou même « Non excuse moi, j’aimerais bien rentrer toute seule chez moi ».

Ma rue idéale… Une rue où on peut marcher tranquillement, sans avoir peur de se faire agresser, ou violenter, où tu n’as pas de méfiance envers les autres. Une rue où les gens que je regarde, je peux les regarder avec amour, même si c’est qu’une relation de rue, de « Bonjour, au revoir, comment tu vas ? ». Une rue où on peut jouer. J’aime bien quand il y a des marchés, des activités, quand la rue permet aux gens qui y habitent de se rencontrer. »

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